Tahiti, la reine...

 NUKU HIVA

De ma découverte de la polynésien en 1960, époque où Tahiti cadrait parfaitement à l’image idyllique que peut s’en faire l’homme, une envie irrésistible me pousse régulièrement, à l’approche de l’hiver métropolitain, à retourner vers ce territoire lointain et ce, malgré les mutations inévitables intervenues depuis et qu’il m’est difficile d’accepter.
 
Je connais bien cette île ; je l’ai vu évoluer : construction de l’aéroport, atterrissage des premiers boings, premiers feux tricolores …mais de tous ces maux, le plus terrible fut au fil des ans, de voir au bord de mon habitation, le magnifique lagon perdre sa palette de couleurs chatoyantes et devenir uniformément pâle.
 
On a volé les taches de couleurs éclatantes et multiples qui fascinaient au réveil, mes yeux d’enfant !
Mais la polynésien est vaste, je le savais et beaucoup d’endroits ressemblent encore à mes souvenirs d’enfance.
 
Tahiti, la reine, la perle souffre aujourd’hui d’avoir osé rivaliser avec le paradis des dieux alors qu’elle n’était que l’éden des hommes.

Aujourd’hui, des charters déversent des flots de touristes, et les tahitiens désabusés ont d’autre soucis que d’accueillir ces visiteurs déçus de rencontrer à des milliers de kilomètres de chez eux, les mêmes problèmes qu’ils viennent de fuir.
 
Alors, dans l’immensité de cette polynesie, on reporte son ultime espoir sur la dernière frontière de ce monde : « les marquises ». Passé cette limite, irrémédiablement, vous retournez chez vous, la boucle est bouclée, impossible de s’éloigner.
 
C’est donc en ce début d’hiver 1990, que je pris la décision de partir vers ce qui allait me replonger dans mes sensations d’autrefois, le dernier monde pur et magique des marquises.
 
Pour y aller, il vous faut économiser 10.000-F.
Pour 7.000-F, les compagnies de charter vous déposent en 48 heures à Papeete et vous voila à déambuler sur les quais avec votre tête d’écrevisse à l’étouffée perturbée par le décalage horaire.



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Au fond du port, se cache les bureaux du fameux cargo « Taporo » qui assure les liaisons inter îles.
Dans ces bureaux, on ne prête pas plus attention aux passagers qu’à la marchandise, on se contente de rire et de plaisanter en vous donnant pour trois fois rien, votre billet de passage.
 
L’aventure « MARQUISES » va commencer, frissons garantis !
Le grand jour est arrive, le petit cargo rouge attend et il faut se frayer un chemin parmi les milliers de marchandises diverses qui l’entourent.
Ses moteurs en chauffe vous assourdissent, et déjà, sur le pont passager des familles marquisiennes sont installées au milieu de sacs et de nattes.
Il est urgent de trouver un coin à même le sol et se préparer à y passer au moins une semaine, durée moyenne de la traversée.
 
A la tombée de la nuit, TAPORO quitte Papeete et le rythme de croisière s’installe en fonction de l’état de la mer. Le soir, si la mer est douce, les guitares chantent ; on mange du poisson si les bonites mordent à l’hameçon, sinon on ouvre des boites de corned-beef.si la mer est mauvaise, mal de mer général et apathie totale.
 
Durant cette semaine grand- bleu, il peut se passer bien des choses :
Bagarre entre l’équipage après une soirée copieusement arrosée, et, en attendant la réconciliation, le bateau dérivera pendant deux jours au gré de l’océan heureusement pacifique. C’est une image fantastique de voir dériver TAPORO, une baleine adossée à son flanc, se frottant pendant plusieurs heures.
Après réconciliation, le subrécargue interdira la boisson repartira. Si tous va bien, le retard ne sera que deux jours. Toutefois, il n’est pas rare qu’une panne mécanique fasse dériver le bateau encore une demi-journée mais tout finira par s’arranger.
 
Le côté génial de l’histoire est qu’après cette traversée souvent mémorable, l écrevisse à l’étouffée se transforme en écrevisse guerrière et c’est avec appétit que l’on découvre au petit matin, TAHUATA, la première île des îles marquisiennes.
 
TAHUATA l’indépendante, refuse toute métamorphose ; sur sa place centrale, les chevaux tiennent toujours leur rôle, les véhicules automobiles n’étant d’aucune utilité sur un tel territoire.
 
Par contre, de la mer arrivent de tous les cotes les speed-boats aux moteurs puissants. Le débarquement des barils d’essence s’effectue grâce aux baleinières car il n’existe aucun accès au quai à TAHUATA.
 
Le lendemain, après une nuit de navigation, apparaîtra HIVA HOA, sa baie protégée pour l’accueil des voiliers et son petit port.
Cette île superbe est devenu mythique pour nous européens grâce à l’aura de Paul GAUGAIN et de Jacques BREL. Comme tous le monde, j’ai cherche le fameux cimetière et quelle ne fut pas ma surprise de constater que les marquisiens ne connaissaient ni BREL, ni GAUGUIN. Ce dernier est mort depuis trop longtemps, et BREL ne fréquentait que la poste pour son courrier et n’invitait que des passionnés d’aviation.
 
BREL et GAUGUIN, être d’exception, oui bien évidemment, mais à HIVA HOA les marquisiens qui n’ont pas subi leur influence ne comprennent pas que les touristes délaissent la beauté de leur île pour deux simples pierres tombales.
 
Ensuite, direction UA PU, l’île aux femmes, l’île sourire avec ses pics magiques. UA PU, c’est la douceur et ses pics sont à l’horizon le signe avant-coureur de ce que l’on peut attendre des Marquises. Des émotions en dents de scie ; un jour dur, un jour magique.
 
Mon voyage se termine dans la vallée de NUKU HIVA où m’attend mon ami Popapo.
 
Chef-lieu des MARQUISES, Tahiohae marque la fin du voyage de TAPORO et « Avis aux Voyageurs » semblent dire les Marquises, »ici la vie se mérite et on ne rit pas tous les jours ».
 
Les falaises tombent a pic ; qu’il est loin le lagon de BORA BORA.
« La pluie est traversière et tombe grain à grain », ici cette phrase a un sens quand les rivières debordent.ici naissent les cyclones et, si près de bout du monde, la sensation de fragilité de l’être et de l’esprit fait partie du décor ; j’ai vu plus d’un homme refuser de quitter le TAPORO.




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Avec mon ami Pipapo, nous allons nous attaquer à l’Amazonie des océans ; toute cette mer en furie qui bat sans cesse les montagnes a pic.
Ici, est née ma passion des coquillages.
 
Impossible d’aimer les îles sans vénérer l’immensité qui les entoure. On ne peut connaître l’ennui si on commence à regarder sous l’eau. Je plonge depuis toujours, allant d’émerveillement en émerveillement dans ce monde du silence où la faune et la flore évoluent avec encore tant de mystères.
 
Avec Pipapo, installé depuis plus de 20 ans, la mer des marquises est domptée ; son apprentissage ne s’est pas fait en un jour mais il est maintenant passé maître en la matière. Il vient de créer le premier club de plongée des marquises, après avoir ressuscité l’ancien bateau inter-iles d’il y a 40 ans, un exploit de plus à son actif.
 
Ses débuts l’ont mène dans une vallée perdue où pour améliorer l’ordinaire, quelques salades, deux ou trois poules, il plongeait en apnée et ramenait  poissons et poulpes. Considère comme un grand apnéiste, après le franchissement de vagues dangereuses avec sa pirogue, il se jetait au large, une lourde pierre dans les bras pour couler plus rapidement. La vallée de Puamau se souvient encore des exploits de Pipapo baptisé ainsi par les enfants.
 
Avec lui, j’ai découvert le large et la pêche aux mérous géants, plus gros que son bateau. Tout cela avec un treuil « fait maison » exigeant de bons muscles si on ne voulait pas risquer de ne remonter que la tête de poisson, les requins étant particulièrement rapides dans ces parages.
 
Avec lui, j’ai goûte des aventures où si la chance vous abandonne…
 
« Gémir n’est pas de mise aux Marquises ».
Après avoir été pêcheur de thons la nuit, pendant plusieurs années, qui mieux que mon ami, peut comprendre le sens des paroles de BREL ?
 
Maintenant dans le contexte, parlons un peu de coquillages.
70% des coquillages rares sont aux Marquises. Y sont-ils réellement ?
Allez voir et vous aurez la réponse ; en tout cas, bon nombre de collectionneurs-plongeurs en mal de fortune, reviennent bredouilles.
 
La mer est trouble et agitée selon le climat ; mettez un masque et vous comprendrez mon allusion à l’amazonie. Le poisson est chez lui et le requin omniprésent, dans toutes ses dimensions, pas d’agressivité exacerbée car la nourriture est abondante mais, personne n’est à l’abri d’un caprice.
 
Lors de mon dernier séjour, la charge d’un requin, gueule ouverte, a déclenché en moi une panique que je  ne suis pas là de chasser de ma mémoire. Oubliant toutes règles de sécurité, mon instinct de survie me propulsa vers le bateau comme une fusée, me retrouvant accroché au bord et tentant de toutes mes forces d’y monter. Avez-vous déjà essayé de remonter à bord avec une bouteille sur le dos ?
 
Pipapo, en furie, vint me chercher pour me redescendre au palier. Jamais de ma vie, je ne me suis senti aussi couard. Pas d’accident cette fois-là, ce n’était pas l’heure mais il s’en était fallu de peu.
 
Pour Pipapo, ce requin avait la taille d’un porte-clés, pour moi, il faisait au moins 4 m. mais arrêtons là les aventures « requinesques », l’énumération n’en serait que trop longue et  je n’ai plus de prétentions.
 
Revenons donc à nos coquillages même si aujourd’hui mon ami enseigne de ne plus rien ramasser sous l’eau, équipés de bouteilles, et surtout pas les coquillages puisqu’il organise à présent, des plongées pour les observer dans leur habitat.
Exemple : la plongée aux Lambis Crocata Pilsbry par une profondeur de 5 à 20 mètres ; malheur à celui qui touche à ce royaume.
La pointe aux Marchienatus sur une profondeur entre 20 et 40 metres ; gros blocs avec cavites, belles roches, nombreuses faunes diverses, présence de tortues.
Etc., etc., etc. … 20 années pour découvrir ces merveilles et vous le faire partager.
 
Tout en respectant ses idées, je n’en demeure pas moins un chasseur de coquillages rares qui sait que sa pêche précise n’interfère en rien dans l’équilibre harmonieux de ce monde merveilleux.
 
J’ai toujours en mémoire, lors d’un retour de pêche, l’accueil de la gendarmerie espérant dénicher des tonnes de coquilles dans mon bateau ; pourtant la pêche avait été bonne mais leurs espoirs furent grandement déçus. Qui pourrait penser que ce minuscule coquillage, niché au creux de mon mouchoir, pas plus lourd que deux grammes et pas plus grand que 12 mms, est la fameuse Thomasi, cotée plus de 10.000-fr ?
 
Ne rêvez pas, sa rareté est réelle. Combien d’heures sous l’eau avant sa rencontre inoubliable ; un cri dans l’immensité du bleu à 40metres de profondeur ! Des accolades sous l’eau ; des yeux plus gros que le masque ; des poissons effrayés par nos gestes. Un souvenir indéfectible ! On en oublierait presque de respirer. C’est cela la passion.
 
Tout semble trop beau et facile, pourtant, dans l’organisme du plongeur à l’affût du rare, le mal de l’azote s’installe et attend pernicieusement son heure.
 
Ce jour-la, toutes les conditions étaient réunies pour une plongée sans difficultés, beau temps, mer belle, exploration superbe ; mais au moment de remonter ma bouteille à bord, je fus pris d’une violente douleur dans les reins
 
Sans gravite, me suis-je dit, en arrivant à NUKU HIVA hélas, dans les 10 minutes qui suivirent, la douleur s’accrut et m’obligea à m’allonger. Miraculeusement, nous étions prés de la principale localité équipée d’un hôpital ; Pipapo m’y mena sans tarder. Une demi-heure plus tard, paralysé jusqu’au dessous des côtes, immobile, la tête vide, je fixais le plafond. Seul un infirmier marquisien était de garde et à NUKU HIVA , les accidents de bouteille ne font pas partie du quotidien ; j’étais le premier !
 
Mon ami me fit placer sous oxygène et préconisa une piqûre d’aspegic. Je ne sentais battre que mon cœur dans ce corps immobile. On s’agitait autour de moi je ne pensais à rien.
 
Puis, miracle, j’eu l’impression d’être un bonhomme de neige fondant au soleil,  une délicieuse brûlure m’envahit. La vie me réinvestissait, la bulle s’était décoincée avant l’irrémédiable rupture. L’espoir m’envahit, je sentis les doigts de mon copain sur mes pieds, j’eu une folle envie de me lever et de jouer au foot.
 
Dans l’heure qui suivit, les organes reprenant leurs fonctions, une envie d’uriner signait définitivement ma grâce. Quatre heures après, nous quittions l’hôpital, peu fiers.
 
Cette nuit, je la passai seul dans la vallée, le lendemain j’accompagnai mon copain, sans me mettre à l’eau.
De retour en France, les spécialistes de la médecine m’ont confirmé l’accident médullaire et l’incroyable baraka d’être passé au travers.
 
Depuis, je n’ai plus plongé, mais chaque chose en son temps. Mon plaisir actuel est d’approfondir ma connaissance des coquillages pour mieux en parler et transmettre cette passion plus forte que jamais.
Dans cet objectif, je profite de mes précieuses jambes pour parcourir l’Europe et ses expositions malacologiques.
 
Demain, je retourne aux MARQUISES.
J’ai une irrésistible envie de revoir les dieux polynésiens, divins protecteurs des fous passionnés.



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